Deux mots sur la narration cinématographique du muet
Je ne sais plus qui a dit « Chaplin est le premier homme à avoir fait rire toute la planète », mais la remarque souligne d’emblée la dimension iconique du personnage de Charlot.
D’ailleurs, « Charlot » est une nomination purement française ; aux Etats-Unis, ce personnage clownesque n’a pas de nom : on le surnomme le tramp, qui signifie le vagabond.
Chaplin est un réalisateur génial, hors-norme, ne serait-ce que par sa longévité cinématographique (songez, plus de 90 films à son actif).
J’ai choisi ici de faire une analyse contextuelle (rapide) du dernier chef-d’œuvre du cinéma muet : Les lumières de la ville, sorti en 1931. Dans ce récit, Charlot s’évertue à trouver de l’argent pour aider une jeune aveugle pour qui il a des sentiments. Celle-ci le prend pour un millionnaire…
Au-delà de l’écriture scénaristique, trois données contextuelles en font une œuvre intéressante.
Un film, un contexte
Nous sommes fin des années 1920- début des années 1930. C’est le début de la Grande Dépression, la plus grande crise économique du XXe siècle. Les faillites bancaires s’accompagnent de fermetures d’usines. Une grande panique s’empare du pays puis s’étend au monde entier. Le chômage et la pauvreté s’aggravent dans des proportions considérables. Le scénario des Lumières de la ville rend compte, à sa façon, de ce climat social instable et inquiétant.
Le personnage du millionnaire, « ami » par intermittence de Charlot, est, pour certains observateurs, le symbole du capitaliste : versatile, il est exubérant et généreux dans les moments d’euphorie (à l’instar des marchés lorsque le système de croissance est bien en place) et dépressif-suicidaire lorsqu’il redevient sobre (symbolisant alors les périodes de crise).
Si le film n’a pas été perçu comme militant et politique (contrairement à son film suivant, Les temps modernes), Chaplin n’en demeure pas moins un fin analyste de la vie économique. En effet, un an avant le krach de 1929, il avait transformé ses actions boursières en or canadien. Il évite ainsi la ruine.
Cachez-moi ce vagabond que je ne saurais voir
Le code de censure dit Code Hays est ratifié en 1930. Il instaure un certain nombre d’interdits au cinéma. Pourtant on est surpris de nombreuses scènes de beuveries, voire d’orgies ! En fait, le Code Hays n’est véritablement appliqué qu’en 1934 ; le film de Chaplin est dans une période où une certaine permissivité morale existe encore.
Chaplin a également assagi son personnage de Charlot. « si Les Lumières de la ville est parvenu à la pureté que visait son auteur, ce ne pouvait qu’en gommant certains aspects excessifs du personnage » (Michel Chion).
Le vagabond est devenu en effet plus « sage » que dans ses apparitions précédentes. Dans les premiers films du tramp, il est agressif, bagarreur, impulsif, animé par des instincts sexuels très primaires. On les retrouve évidemment dans les Lumières de la ville, mais soit ces moments sont limités à quelques actions soit ils sont implicites (en fait, le film est truffé d’allusions sexuelles !).
Chaplin et le son : qu’est-ce que vous dites ?
On l’oublie souvent, mais Chaplin pense que le son va tuer le cinéma. Fin des années 1920, le cinéma sonore apparaît. Nombreuses sont les réactions négatives face à cette innovation. S’il finira par se « convertir » au sonore, Chaplin, au moment des Lumières de la ville, est encore réticent. Il y a bien du son (des gimmicks sonores notamment) mais pas de dialogue ; on reste avec les cartons. Et c’est gonflé, à un moment où le cinéma muet est déjà « has been » ! Pourtant, il décide, à contre-courant, d’écrire un film sans dialogue parlé. Et c’est une réussite. La scène d’ouverture, dans laquelle le discours des notables est remplacé par un bruit de mirliton, est symbolique de la posture de Chaplin à l’égard du cinéma sonore.
Enfin…
Enfin, s’il faut une autre bonne raison de regarder le film, c’est la séquence finale. On a beau la voir 50 fois, on est ému 50 fois… Du grand art.
Paradoxalement, le muet a beaucoup à apprendre à l’auteur (nègre, prête-plume, conseiller en écriture) par l’intensité des message, l’économie des moyens, la recherche de messages universels et ce qu’on pourrait appeler la virtuosité de la simplicité.
Bien sûr, si les Muses se penchent sur votre front soucieux et vous soufflent l’inspiration, c’est mieux. Mais les Muses sont volages et parfois, rien ne vient…
Alors il faut s’en remettre au travail et à la technique ! Et il existe différents moyens, pour l’écrivain comme pour le prête-plume de débloquer cette inspiration et donner des idées. Cet article vous propose de découvrir les booléens au service de l’écriture de fiction.
Ces opérateurs logiques utilisés en informatique, dans les recherches Google ou en 3D peuvent aider à faire jaillir de nouvelles idées dans un projet d’écriture de scénario ou de roman.
OR associe deux choses différentes et les lie. Sur le principe du Mash Up, elle vous permet de créer un univers fictionnel nouveau (Par exemple, en mélangeant la piraterie du XVIIeme et un bestiaire de la Préhistoire. Ou en créant un personnage qui associe les caractéristiques de l’inspecteur Columbo et d’un rat.)
XOR va permettre de retenir dans deux idées que ce qui n’est PAS commun aux deux. Par exemple, si je veux écrire une intrigue à la Harry Potter tout en adorant la série Docteur House, l’univers qui en résultera sera une communauté avec des maîtres, des étudiants, des malades, des soins, de la magie, trois mondes (magique, médical, ordinaire) contenant des initiés et des non-initiés.
AND fait le contraire de XOR : il associe tout ce qui est commun aux deux principes, ou aux deux diégèses que vous chercher à lier. Il élimine le reste. Si l’on reprend l’exemple précédent, qu’est-ce qui est commun à House et Harry Potter ? Une histoire parlant d’amitié, d’amours difficiles, de gestion de secrets et d’une lutte quotidienne contre la mort. La magie n’étant que dans Harry Potter, la médecine que dans House, ces deux éléments disparaissent de mon projet de fiction.
EQUAL permet de remplacer un élément par un autre sans affecter le reste (là, on diverge un peu des mathématiques). Mais évidemment, ce changement aura de multiples conséquences. Imaginez que vous ré-écrivez le Petit Prince en remplaçant le charmant voyageur blondinet par un avatar de Charles Bukowski. Toute l’histoire change, n’est-ce pas ? 😉
Même si on a d’excellentes idées, il est toujours bon de les muscler, de les rendre plus percutantes et originales. Le croisement booléen est un excellent moyen de parvenir à cet objectif. C’est pourquoi l’auteur, le nègre ou le conseiller en écriture ont toujours utilement recours à ces outils.
Georges Lucas a toujours dit s’être inspiré largement des mythes antiques pour écrire le scénario de Star Wars. C’est le sujet de ce mémo : comment faire du neuf avec du vieux. En fiction ou en littérature.
Depuis quelques temps, les scénaristes d’Hollywood ont fait feu de tout bois en fracassant les anciennes règles fondant le respect de la fiction. Ainsi, ils ont vivifié la création en lui donnant plus de libertés…
Le spin-off
Fiction se focalisant sur un élément constitutif d’une autre fiction existante : un personnage secondaire, une époque non développée, un lieu évoqué…
Le reboot
Nouvelle version d’une fiction, qui peut prendre de grandes libertés par rapport à l’original. Il n’y a plus aucune continuité avec les épisodes existants. A la différence du remake qui adapte au goût de l’époque ou qui se met au niveau de la technologie actuelle.
Le Prequel
Récit venant éclairer le passé d’un personnage ou les origines d’une fiction.
Par exemple, Gargantua écrit après Pantugruel (alors qu’il le précède chronologiquement) est un des premiers prequels de la littérature.
La Suite (ou le Sequel)
Episode qui poursuit chronologiquement une fiction. (Alors on met « deux » derrière le titre, et on constate que c’est moins bon que le premier… 😉
En outre, il existe le midquel (récit rajouté intervenant au milieu d’une fiction) et l’interquel qui se déroule entre deux oeuvres.
Enfin le crossover
Il lie deux personnages (ou plus) d’univers fictionnels distincts. Superman et Batman, typiquement.
En création littéraire aussi, on peut jouer avec les univers, les codes et les personnages existants pour donner lieu à des romans… novateurs. Imaginez les possibilités offertes par :
Le spin-off de la fille du Grand Meaulnes,
Le Reboot de l’inspecteur Maigret,
ou le crossover de Perceval le Gallois avec Donjons & Dragons…
Pensez-y !